Clermont-de-l'Oise – Gaël Clariana et Nick Hannes
Le pôle photographique en Hauts de France présente deux expositions fortes et dépaysantes. Les photographes, présentés dans des espaces différents, offrent leur vision du monde, sous forme de reportages-examens de la vie d'ici et d'ailleurs.

Elevé dans le culte de la chasse, Gaël Clariana garde son esprit critique. Témoin cette magnifique photographie d'une brochette de chasseurs tous d'orange vêtus, peut-être pour éviter d'être pris pour cibles : les tireurs peuvent être maladroits. Là on les voit de loin. En progressant en rang d'oignons, cela leur permet sans risque de shooter tout ce qui se présente. Il n'y a plus qu'à espérer qu'un lapin les morde s'ils n'ont pas bien ajusté. Cela arrive parfois.
Gaël Clariana (né en 1971) dit que loin des pratiques ancestrales et vitales, la chasse ne serait plus désormais qu'un spectacle : « En se revêtant d’orange, les chasseurs se rendent visibles pour l’homme et se démarquent des couleurs du paysage. Tel un uniforme, cette couleur orange devient spectaculaire et intrigante, alignement de petites figurines armées, chasseurs dans l’attente, postés, émergeant à peine du végétal. » Il évoque aussi les instruments de torture : « Agrainoirs, appelants, mais aussi miradors, ces fameux objets deviennent sculptures dans une vision déformée d’une certaine réalité. »
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Gaël Clariana et sa capture d'une armée de petites figurines armées... Courtesy du photographe et de Diaphane.
Exposition “Paysage dicible” de Gaël Clariana du vendredi 27 mars au vendredi 12 juin 2020, Salon des Emergents de la maison Diaphane de Clermont, organisée par Diaphane.


Nick Hannes, étudiant la rapide transformation de Dubai, passant du statut de centre régional d'activité à celui d'ultramoderne métropole, constate que cela ne fut pas sans conséquence sur la région, puisque cette métamorphose rime avec séparation et exclusion. Il commente : « Le premier monde est un archipel d’îles cloisonnées ou « capsules » privées où il est agréable de vivre ; le deuxième monde est tout le reste, un océan de pauvreté et de chaos. » Le photographe belge, lauréat du Zeiss Photography Award, en 2018, montre ce hiatus choquant entre deux réalités. Avec une certaine amertume : « Où sont les musiciens de rue, les enfants qui jouent au foot, les gamins qui traînent ? Où sont la scène musicale underground, les graffiti, les surprises qui vous attendent au tournant ? La couleur locale, la poésie, les marges, l’âme de cette ville ? »
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Deux photographies extraites de l'exposition Garden of Delight, présentées Espace Séraphine Louis à Clermont-de-l'Oise du 27 mars au 17 mai 2020